• Qui sommes-nous ?- L’esprit isallan
  • confidentialité
isallen.info
  • Taqbaylit
  • contributions
  • Interviews
  • Documents
  • Patrimoine
  • Magazine
  • Sciences
  • Chroniques
    • awal
No Result
View All Result
  • Taqbaylit
  • contributions
  • Interviews
  • Documents
  • Patrimoine
  • Magazine
  • Sciences
  • Chroniques
    • awal
No Result
View All Result
isallen.info
No Result
View All Result
ADVERTISEMENT
Home contributions

Ferhat Mehenni : désormais «  dans le sens de la liberté que mon peuple ira »

isallan-archives by isallan-archives
juillet 22, 2018
in contributions
0
0
SHARES
32
VIEWS
Share on FacebookShare on Twitter

En Algérie, la Kabylie est « l’ennemi intérieur » ! Ouvertement en période de crise, ou de manière sournoise en temps de répit, elle est désignée du doigt à la vindicte du pays comme une menace sur l’unité nationale. Bien qu’elle ait été la mère porteuse de l’État algérien de 1926 à 1962, celui-ci s’est avéré n’être pour elle qu’une sorte d’Alien, un corps étranger tel ce monstre terrifiant des films de science-fiction, dont la seule naissance s’accompagne de la mort et de la destruction du corps dans lequel il a eu sa gestation.

En près d’un demi-siècle d’existence, cet État qui refuse violemment sa kabylité à la Kabylie, n’a pas cessé de la réprimer et de la maltraiter pour cause de différence identitaire. Elle est souvent accusée d’impiété, de chrétienté, de « parti de la France » et quelquefois assimilée à Israël, dans un pays qui fait de l’islam sa religion constitutionnelle…

On peut se laisser prendre à la volonté affichée par les autorités algériennes de détruire le « mythe kabyle » qui aurait été inventé par la colonisation française pour diviser les Algériens pour mieux les dominer. Les médias du pouvoir, les gouvernants et toutes sortes de scribes nous en rabattent les oreilles depuis l’indépendance. Mais la réalité de cette mystification est ailleurs. En effet, en occupant les territoires qu’il avait défaits militairement, le colonisateur avait tout simplement pris acte d’une réalité humaine marquée par la différence identitaire et linguistique entre « Arabes » et « Kabyles » sur des territoires parfaitement distincts, mais contigus. Mais les auteur coloniaux traitent les uns comme les autres avec autant d’admiration que d’horreur. Quelques missionnaires français se sont sans doute pâmé devant ces Kabyles sédentaires, quelquefois aux yeux bleus, mais Napoléon III les écarta d’un revers de la main pour le rêve d’un utopique « royaume arabe de la France » auquel il tenta de donner les bases administratives et culturelles en créant chez nous des « Bureaux arabes ». Plus tard, en 1946, le colonisateur accepta l’enseignement de l’arabe tout en refusant celui du berbère. Donc, c’est à tort que les élites de l’Algérie indépendante stigmatisent encore, sur ce sujet, la colonisation française qu’elles accusent d’avoir créé la question berbère de toutes pièces. En réalité, consciemment ou non, ces élites inféodées ou non au pouvoir algérien, en veulent à la France coloniale non pour les crimes qu’elle aurait commis mais pour celui qu’elle n’a jamais pu achever : arabiser la Kabylie. Elles auraient aimé qu’à la décolonisation, la France leur livrât un pays sans aspérités identitaires, linguistiques et culturelles. Bref, qu’elle leur remît une Algérie sans Kabyles !

Toutefois, si la Kabylie en est encore là, c’est parce qu’elle était niée jusques y compris par une bonne partie de ses propres enfants. Parmi ces derniers, il y a l’écrasante majorité de ceux qui avaient porté à bras le corps le mouvement national, puis la guerre d’indépendance de l’Algérie. En leur temps et pour des raisons d’efficacité, ils privilégièrent l’alliance avec les autres peuples d’Algérie. Leur investissement massif dans l’anticolonialisme, leur fatigue et leur manque de force au lendemain de la décolonisation ont induit chez eux un renoncement, tactique ou inconscient, à une Kabylie politique. Car certains d’entre eux caressaient secrètement l’espoir de s’emparer un jour du pouvoir algérien. En vérité, ils ne se reconnaissaient dans l’Algérie qu’en se projetant à ses leviers de commande. C’était, chez eux, une manière de reculer pour mieux sauter.

Cette naïveté s’observe toujours chez la majorité des leaders politiques kabyles. Le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), pour avoir espéré accéder aux commandes de l’Algérie, ont accepté de taire, voire d’étouffer la revendication d’une Kabylie politique. Ils pensent qu’ils ne devraient jamais le dire publiquement mais qu’ils ne manqueraient pas de la réaliser une fois parvenus au pouvoir. Ces militants qui taisent la Kabylie tout en la portant au plus profond d’eux-mêmes, sont ces acteurs modernes qui, à leur corps défendant, ont participé à la négation de ce qu’ils sont censés revendiquer et promouvoir.

Ensuite, il y a toutes les élites kabyles qui se sont succédé depuis 1962. Elles ont toutes contribué, de près ou de loin, à maintenir leur première patrie dans ce statut d’inexistence et elles se répartissent en trois catégories, les sincères, les apathiques et les traîtres. Les premières ont agi par aliénation, en fonction de leur adhésion presque charnelle à certaines idéologies comme le marxisme, le nationalisme jacobin, le panarabisme, l’islamisme, ou le pan-berbérisme. L’auteur de ces lignes en faisait partie jusqu’en 2001.

La catégorie la plus nombreuse de ces élites est faite de tous ces éléments qui ne sont pas des foudres de guerres et dont l’apathie diffuse la résignation dans la majorité silencieuse kabyle, par messages subliminaux. Il est vrai que la sagesse kabyle use d’une maxime intimant à chaque individu, par réflexe de survie, l’ordre de « ne jamais s’exposer comme premier ou comme dernier ! »

Enfin, la dernière catégorie est la plus blâmable. Elle est faite de tous ces notables qui, par faiblesse, ont succombé à la tentation de la corruption par le régime algérien pour des raisons de pouvoir, même insignifiant, et de mesquins avantages sociaux et matériels… Ce sont des opportunistes qui de toutes les façons se mettraient au service de n’importe quel pouvoir. À leur décharge, disons que c’est l’absence d’un État kabyle qui les jette automatiquement dans les bras de nos adversaires politiques, ceux-là mêmes qui font tout pour empêcher la Kabylie politique de voir le jour.

Il y a enfin les fervents militants antikabyles au sein du pouvoir ou à sa périphérie, qui sont eux dans leur rôle. Ils nourrissaient et nourrissent toujours l’espoir tenace de la voir un jour sombrer, disparaître dans les flots tumultueux de l’histoire. Ils ont même cru leur rêve sur le point de se réaliser, au lendemain de sa défaite militaire sous la houlette du FFS. La féroce dictature installée aussitôt par Boumediene à partir du 19 juin 1965 devait l’anéantir.

À voir de nos jours l’actuel chef de l’État, ancien chef de la diplomatie du dictateur (1965-1978), s’acharner sur la Kabylie, la défier, l’invectiver et tenter de l’humilier, il est aisé d’en déduire une volonté permanente des tenants du pouvoir d’en finir avec cette région et son particularisme qui constitue son essence et son âme. Le quadrillage militaire conjugué à l’insécurité, à la corruption, aux incendies des oliveraies, et aux kidnappings sur lesquels, complaisamment, le pouvoir ferme les yeux, sont autant de fléaux qui ont pour finalité de jeter les Kabyles dans les bras de l’islamisme auquel le pouvoir fait la courte échelle en envoyant des terroristes islamistes « repentis » en tant que prêtres, salariés de l’État, dans les villages de Kabylie. Chez nous, l’islamisme est l’antichambre du panarabisme. Quand on devient islamiste, l’identité arabe – qui se trouve être celle du Prophète – prime sur toutes les autres. À commencer par l’identité kabyle.

Confrontée donc, de toutes parts, aux dénis d’identité, la Kabylie n’a jamais cessé de se battre et de se débattre, de crier sa rage, de tenter de se faire entendre, de se faire reconnaître, s’affirmer par n’importe quel moyen, en dehors de la violence dont elle a déjà fait l’amère expérience en 1963-64. Alors, elle enfourche n’importe quel cheval de bataille pour se distinguer du reste du pays : les matchs de football, les manifestations pour la démocratie et les droits de l’homme, celles commémorant ses combats, les prénoms berbères qu’elle donne à ses nouveau-nés, son attachement à sa laïcité, les records de réussite aux examens du baccalauréat de ses lycéens malgré l’arabisation scolaire, la bonne gestion de ses entreprises, la collecte de sa fiscalité, le taux de son bâti privé, la qualité de sa main-d’œuvre et de ses cadres universitaires… Pour elle, tout est bon pour dire qu’elle est toujours là, se singulariser et se rappeler à la mémoire de ses adversaires déclarés : le pouvoir et les acteurs politiques porteurs de sa négation auxquels elle fait à chaque fois un pied-de-nez, là et au moment où ils s’y attendent le moins.

Le déni d’existence dont souffre la Kabylie a fini par produire chez elle des réflexes de résistance qui la poussent malgré elle à briller par son excellence dans de très nombreux domaines.

Pour ma génération, le combat a commencé par le volet culturel, à la fin des années 60. Au début, nous voulions juste que notre langue et notre identité soient reconnues par l’Algérie, ne serait-ce qu’au regard des énormes sacrifices consentis par nos parents. Nous voulions croire que ce n’était là qu’une simple question de priorités, et au pire, celle d’un peu d’amnésie qui allait bientôt guérir. Nous pensions naïvement que si le problème était, chez nos adversaires, d’ordre passionnel, il finirait quand même un jour par être réglé dans le sens de nos revendications par des hommes d’État transcendant leurs ressentiments personnels et agissant au nom des intérêts supérieurs du pays. Nous ignorions qu’à la place de cette qualité d’hommes devant présider à nos destinées, nous n’allions avoir malheureusement que des hommes de pouvoir, généralement incultes, toujours racistes envers tout ce qui est kabyle.

Malgré cette naïveté, nous avons réussi à prendre nos responsabilités et notre destin en main en nous donnant pour repères des hommes d’exception comme Mouloud Mammeri et Kateb Yacine. L’opposition entre leurs visions politiques ne nous gênait pas. Mammeri était un culturaliste pan-berbériste, et Kateb un algérianiste stalinien au grand cœur. Dans leur conception respective de notre réalité, parce qu’ils étaient tous les deux des produits du Mouvement national, le Kabyle n’avait d’existence qu’en tant qu’élément d’un ensemble : algérien pour Kateb, berbère pour Mammeri. La voie de la Kabylie pour elle-même était encore derrière de grandes montagnes d’interdits et d’écrans de fumée. La Kabylie ne pouvait pas être un horizon, un objectif autre que partiel. Elle était tout simplement impensable. Nos œillères idéologiques l’éloignaient de notre champ de vision.

Nous nous sommes donc battu pour les idéaux aussi généreux qu’irréalistes et confus de nos maîtres à penser : pour une Algérie plurielle et démocratique sur le modèle de Kateb, et pour une pan-berbérité sur celui de Mammeri. Il y a de quoi, aujourd’hui, avoir quelques motifs de satisfaction dans nos deux combats puisque nous les avons réussis. Le pays a fini par se démocratiser et la berbérité est à son tour reconnue en Algérie et au Maroc. Malgré cela, notre malaise en tant que Kabyles avait survécu à ces réussites. Nous avions même le sentiment d’un échec dont nous ne comprenions pas encore les raisons. Seul un homme éclairé nous prévenait dès 1989 que nous faisions fausse route. Dans une brillante étude intitulée « La voie étroite : la revendication berbère entre culture et politique » Salem Chaker pointait du doigt le fait que « les contours de l’aspiration berbère en Kabylie sont (…) indiscutablement identitaires, voire “nationalitaires” ». Il n’a jamais cessé de nous rappeler le hiatus existant entre notre « ancrage régional » et notre discours « national » au sens algérien du terme. Mais personne parmi nous ne pouvait l’écouter, englués que nous étions dans des combats partisans que nous prenions à tort pour ceux de la démocratie.

Les deux formations politiques kabyles qui se vivaient en tant que partis algériens, le Front des forces socialistes d’Ait Ahmed et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), étaient configurées par les idées de Mammeri et de Kateb qu’elles n’ont jamais su dépasser. Leur insertion, ensuite, dans le jeu électoral du système négateur de la Kabylie, ne leur permet toujours pas de prendre assez de hauteur pour se consacrer à la seule cause qui vaille et qui les a portées jusqu’ici pour avoir toujours été leur matrice essentielle : la cause kabyle. Cette incapacité à se transcender les a plongées depuis dix ans dans de graves crises internes qui ont généré en leur sein de terribles hémorragies et une désaffection populaire qui s’apparente à une simple fin de mission. Aujourd’hui, le FFS et le RCD donnent l’impression d’être des moribonds que l’histoire ne tardera pas à enterrer pour de bon si, du moins, nous n’arrivions pas à leur assurer une plus grande longévité en faisant accéder la Kabylie à son autonomie. Ils auront alors à mieux rivaliser sainement entre eux pour nous représenter au sein des instances de l’État central algérien.

Malgré la création d’une institution comme le Haut Commissariat à l’amazighité (HCA) en 1995, arrachée de haute lutte après un boycott scolaire dont je porte l’entière responsabilité et qui fut observé durant toute l’année scolaire (1994-95), nous étions tous, là aussi, restés sur notre faim. La solution pour le peuple kabyle n’était toujours pas là, dans la reconnaissance et l’enseignement du berbère. Où pouvait-elle être alors ?

Malheureusement, ce sont des événements sanglants qui nous ont affranchis de nos œillères, qui nous ont enfin rendus à notre triste réalité en nous ouvrant les yeux pour de bon. En écho au « printemps berbère » de 1980, il y eut le « printemps noir » en 2001 durant lequel le régime algérien tira sur nos jeunes manifestants en en abattant, au dernier décompte, 127 d’entre eux. Ce fut pour moi, l’irréparable, le point de rupture symbolique d’avec le système algérien, la ligne rouge qu’il n’aurait jamais dû franchir. Dans le feu des événements, je montai au créneau le 05 juin 2001 pour demander à titre officiel une autonomie régionale pour la Kabylie. Le succès ne fut pas immédiat. Mes amis et moi, qui avons créé quelques jours plus tard le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), n’étions pas seuls sur le terrain.

Un autre mouvement émergea de manière fulgurante avant nous et eut une incroyable fortune par l’action et le feu. Il eut du mal cependant à avoir un nom. Dans la bouche des Kabyles il s’appelait « Leârac », une institution confédérale ancestrale de la Kabylie, mais dans la presse francophone, il était dénommé ici, « Mouvement citoyen », là sous forme arabisée, les « Arouchs », ou encore « l’interwilaya »… Sa mise sur pied répondait à la nécessité pour la Kabylie d’affronter dans l’unité cette nouvelle agression armée du pouvoir, afin de limiter l’effusion de sang. Les rivalités partisanes FFS-RCD, ayant désamorcé la révolte populaire survenue au lendemain de l’assassinat de chanteur kabyle Matoub Lounes en juin 1998, devaient cette fois céder le pas à une nouvelle organisation en mettant les deux formations politiques kabyles sur le banc de touche. Elles ont été déclarées personae non grata au sein de cette structure naissante. Cette difficulté à avoir un seul nom cache autant celle d’une ligne politique claire que les luttes pour sa caporalisation au service de forces politiques qui n’avaient rien à voir avec la Kabylie.

Ce qu’il faut en retenir, pour la clarté de notre exposé, ce sont trois points : sa très forte capacité de mobilisation au départ, sa plateforme ambiguë, et son caractère strictement kabyle nié par ses propres animateurs. Développons.

Aucune organisation politique kabyle n’avait, jusque-là, réussi la mobilisation populaire comme celle de la marche du 14 juin 2001, à l’appel des Ârchs (Leârac). Le FFS, le RCD et le Mouvement culturel berbère (MCB) avaient tous eu leurs heures de gloire avec chacun au moins 200 000 personnes dans les rues d’Alger, de Tizi-Ouzou ou de Vgayet (Bougie). Mais personne n’avait réussi jusque-là à faire descendre à Alger près de deux millions de personnes, soit le quart des Kabyles vivant en Algérie. À son corps défendant, cette manifestation qui s’était terminée dans une débandade générale consommant sa propre défaite politique, avait réussi, à son insu, ce tour de force de mettre sur la scène nationale et internationale la nation kabyle. Cette marche lui a donné de la chair, de la visibilité, bref : du concret. Cela a conforté notre vision des choses et notre revendication d’une autonomie régionale que pourtant ce mouvement des Ârchs se mit à combattre, parfois violemment. Ce rejet de notre proposition politique par les acteurs influents au sein des Ârchs était justifié par une rivalité de programmes, voire d’ambitions, ainsi que leur volonté affichée de ne pas se faire accuser d’être des « régionalistes », encore moins des Kabyles !

En effet, son programme s’appelait « la Plateforme d’El-Kseur ». El-Kseur est une ville moyenne de la vallée de la Soummam, à 25 km au sud-est de Vgayet. Elle a donné son nom à cette Plateforme pour avoir abrité la réunion à l’issue de laquelle elle fut adoptée. Les pourparlers entre les groupes politiques hétéroclites kabyles qui formaient l’embryon des Ârchs furent dominés au départ par l’extrême-gauche. Le consensus sur 15 points de revendications fut arraché in extremis dans la nuit du 11 au 12 juin pour servir de document officiel à remettre à la présidence de la République algérienne à l’issue de la marche du 14 juin 2001, à Alger. Les 15 points de cette plateforme sont les témoins du basculement de l’histoire, de son glissement furtif de revendications traditionnelles de caractère national au sens algérien du terme, vers des nouvelles revendications à caractère spécifiquement kabyle. Ainsi, à la traditionnelle revendication héritée du « printemps berbère » de 1980, « Tamazight langue nationale et officielle » (point N° 8) ont été ajoutés des slogans creux comme « Pour un État garantissant tous les droits socioéconomiques et toutes les libertés démocratiques » (point 9) ou « Contre les politiques de sous-développement » (point 10) ainsi que des éléments purement conjoncturels comme un « réaménagement au cas par cas des examens régionaux pour les élèves n’ayant pas pu les passer » (point 14). Mais le plus important est d’y voir pour la première fois apparaître des revendications ne concernant que la Kabylie : « Départ des gendarmes » de la Kabylie, et « plan socio-économique d’urgence pour la Kabylie » (points 4 et 12). À leur corps défendant, les rédacteurs de cette plateforme ont été les jouets de l’histoire qui leur a fait donner une nouvelle direction, une nouvelle inclinaison à des revendications qu’ils pensaient maîtriser. La voie est désormais libre pour l’autonomie. Les conditions psychologiques, latentes jusque-là, ont enfin une visibilité sur le terrain. Les conditions en sont enfin mûres !

En troisième lieu, ces Ârchs qui s’entêtaient à réaffirmer à qui voulait les entendre qu’ils étaient bel et bien un Mouvement de dimension algérienne, un mouvement « national », n’avaient jamais dépassé les frontières kabyles. Ils s’échinaient à répéter qu’ils étaient l’émanation de toute l’Algérie dans l’espoir d’entraîner l’adhésion populaire dans d’autres régions, ils n’étaient désespérément restés que ceux de la Kabylie dans laquelle ils étaient entièrement enclavés. Le syndrome du FFS était encore vivace. Après la guerre menée contre Alger, du 29 septembre 1963 à la capture par l’armée algérienne de son leader le 14 mars 1964, les Kabyles se terraient, rasaient les murs. Ils n’avaient plus le courage de s’assumer dans leur identité réelle. Le traumatisme psychologique provoqué par cette défaite a inhibé pour 40 ans toute audace chez les Kabyles à se réclamer de leur kabylité. L’isolement dont avait souffert ce mouvement à l’échelle de tout le pays, avait mis en relief un peu plus le caractère prononcé de l’identité kabyle, du peuple et de la nation kabyles. Les Algériens, au lieu de se sentir concernés par ce qui se passait devant leurs yeux, préféraient manifester en masse leur solidarité avec d’autres drames et d’autres peuples qui étaient loin de chez eux, notamment en Palestine et en Irak… Nous ne pouvons leur reprocher cette générosité à l’égard des autres. Nous dénonçons simplement le fait qu’elle soit sélective et que, parce que nous sommes kabyles, nous en soyons privés. C’était l’une des leçons que nous avons retenues de cette période et qui nous a amenés à en tirer toutes les conséquences. Nous eûmes de déchirantes révisions dans notre manière de nous appréhender !

Cette vision inédite de notre avenir, à laquelle nous ont contraints l’histoire et l’actualité, m’avait poussé à écrire en 2004 Algérie : la question kabyle (éditions Michalon). L’enjeu était d’expliciter notre nouvelle démarche, de faire admettre la justesse de notre combat aux nombreux Kabyles restés réticents et sceptiques devant notre revendication. Cependant, cet exercice nous avait laissés sur un sentiment d’inachevé. Le monde est plein d’obstacles qui se dressent devant notre objectif de liberté de la Kabylie. C’est pour mesurer et comprendre ces obstacles, pour apprendre à les dépasser, que s’est imposé le travail d’analyse politique comparée qui nous a conduits jusqu’à cet épilogue.

Aujourd’hui, symboliquement, je viens de tracer la voie qui, j’en suis convaincu, mènera le peuple kabyle, et à travers lui tous les peuples qui se trouvent dans son cas, vers la liberté. Diabolisé par le régime algérien, dénoncé par des adversaires kabyles encore inconscients, je chemine à travers l’histoire, guidé par le seul devoir envers la Kabylie. Quels que puissent être les aléas de son parcours ultérieur, désormais « dans le sens de la liberté que mon peuple ira », comme l’avait déjà prophétisé Mouloud Mammeri. Dont acte.

Ferhat Mehenni extrait de l’épilogue « le siècle identitaire : la fin des Etats postcoloniaux », novembre 2010 • 192 pages, éditions Michalon

Previous Post

L’extradition de Abouna et Sekouti suspendue par la justice Espagnole

Next Post

Conte érotique Kabyle : Nsenni, tamɛayt ɣef tayri

isallan-archives

isallan-archives

Related Posts

A la une

La Kabylie, un enjeu idéologique

août 26, 2020
A la une

Le portrait de …

août 17, 2020
Tigzirt Ruines Romaine
A la une

Mémoire algérienne, une affaire française

août 10, 2020
Next Post

Conte érotique Kabyle : Nsenni, tamɛayt ɣef tayri

Suivez-nous

  • 5k Fans
  • Trending
  • Comments
  • Latest
femme imam

Une kabyle … première imam de France …

septembre 10, 2019
Ferhat Mehenni

Ferhat Mehenni « La Kabylie a intérêt à quitter le navire Algérie »

septembre 18, 2019

« ZERO kabyle », la main des services Algériens

septembre 6, 2019

Tamacahut n Udrar Aberkan

décembre 30, 2019

Chronique: Une police Kabyle….why not !?

0

Nostalgie : La maison Kabyle

0

La place centrale de la femme Kabyle

0

Chronique : Tout ce qui est Kabyle est suspect -1

0

L’islam de nos aïeux, de nos parents !

septembre 19, 2020

TAMACAHUT-IW LWAD LWAD

septembre 16, 2020

Kamel Bouamara L’auteur du 1er dictionnaire de langue amazighe

septembre 16, 2020

Une rentrée scolaire dans « les temps … »

septembre 16, 2020

Derniers articles

L’islam de nos aïeux, de nos parents !

septembre 19, 2020

TAMACAHUT-IW LWAD LWAD

septembre 16, 2020

Kamel Bouamara L’auteur du 1er dictionnaire de langue amazighe

septembre 16, 2020

Une rentrée scolaire dans « les temps … »

septembre 16, 2020
isallen.info

Le magazine de la Kabylie L’Esprit ISALLAN se résume en : la liberté d’expression et de ton, aucune censure, la défense des intérêts des Kabyles et de la Kabylie

Follow Us

Catégories

  • A la une
  • Actualités
  • awal
  • Caricature
  • Chroniques
  • contributions
  • Culture
  • Documents
  • Interviews
  • Magazine
  • Patrimoine
  • Sciences
  • Taqbaylit

Articles récents

L’islam de nos aïeux, de nos parents !

septembre 19, 2020

TAMACAHUT-IW LWAD LWAD

septembre 16, 2020
  • Qui sommes-nous ?- L’esprit isallan
  • confidentialité

© 2019 Asalas

No Result
View All Result
  • Taqbaylit
  • contributions
  • Interviews
  • Documents
  • Patrimoine
  • Magazine
  • Sciences
  • Chroniques
    • awal

© 2019 Asalas

Ce site web utilise des cookies. En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation des cookies.