Le monde s’en fout mais je le dis quand même; je n’aime pas les souks. J’aime plutôt me mettre à contresens du mouvement de la foule. Par mon apparence ringarde, je me plais à tourner en dérision la mode qui, par ailleurs, se moque volontiers de ma personne. Je le sais, cela est aux antipodes des tendances de notre époque ; justement, c’est ce qui m’excite, car, mine de rien, le mâle que je suis est capable de tels émois ! Eh oui…
Pourtant, même si on n’a pas du tout envie de se jeter dans le torrent de la cohue ou de prendre part à ses élucubrations, il arrive un moment où le silence est à ce point inconvenant, déstabilisant, voire répréhensible. J’ai donc suivi de loin cette énième levée de bouclier et, plus d’une fois, je me suis dit que l’essentiel étant ailleurs, ma petite voix n’apportera rien au moulin de l’hystérie collective. En même temps, il est hors de question de ressasser les lieux communs ou d’abuser de ceux et celles qui voudraient bien consacrer quelques secondes de leur précieux temps, pour jeter un regard sur cette opinion qui se veut brève et sans ambivalences.
Avant cela et bien que j’ai choisi sciemment d’occulter l’argumentation qui, pourtant, regorge d’éléments criants, mais qui s’avère vaine face aux cris d’orfraie auxquels nous assistons, il m’est fondamental de rappeler d’abord le caractère récurent, dans notre histoire, de ce lâcher des seconds couteaux. Matoub, pour ne citer que lui, avait subi les mêmes procédés visant à le détruire par l’anathème et le mensonge et quand il est assassiné, ce furent tous ceux qui ont passé leur vie à chercher à le briser, qui ont été les premiers à afficher leurs larmes de circonstance pour ne pas rester en marge de l’émotion populaire qui s’était emparée de toute la Kabylie et qui continue à ce jour, à la veille du 20è anniversaire de son lâche assassinat, d’être là.
Ensuite, il paraît qu’il faut rester inerte et mettre son cerveau au formol pour rassurer et se rassurer que l’Algérie n’est pas menacée par un plan ourdi de déstabilisation ! Qui peut bien déstabiliser un pays construit sur une poudrière et gouvernés depuis la fin du colonialisme français et le début du colonialisme arabo-islamiste, par un système morbide et mortifère ? La théorie du complot n’est plus opérationnelle, il faut donc cesser avec cette paranoïa qui occulte les véritables « déstabilisateurs » en accusant à tort et à travers ceux qui refusent l’immobilisme et le fait accompli. Dans l’absolu et dans un monde plus que jamais immergé dans la logique concurrentielle, tous les pays du monde, sans exception, sont visés de fait, par plus ou moins de plans de déstabilisation; c’est la loi de la géopolitique et des équilibres mondiaux en matière d’énergie, d’économie et d’armement. Pour autant, est-ce une raison de s’accommoder du statu quo ou de se contenter des replâtrages qu’on y apportes sporadiquement, pour se prémunir du vieux réflexe des tyrans qui consiste à accuser toute authentique alternative en rupture intégrale avec l’ordre établi, d’être à la solde d’un « ennemie extérieur ». Pour le reste, on n’occulte pas indéfiniment l’histoire, celle-ci reprendra tôt ou tard sa revanche. La question n’est plus de savoir est-ce qu’elle le fera, mais quand.
Sur un autre plan, cette histoire de « mandat » me donne franchement de l’urticaire, tant elle n’aura de sens que si on arrive un jour, à imposer d’abord un suffrage pour mandater (ou pas) x ou y, pour parler en notre nom, ce qui implique déjà une indépendance comme préalable et donc, toutes les institutions qui vont avec, dont celles ayant trait à la sécurité. Cela est d’une logique élémentaire(*). Or, d’un tel suffrage, nous en sommes privés par des non kabyles qui sont, en sus, foncièrement anti-kabyles et qui parlent au nom des kabyles depuis au moins 1962. Un tel viol séculaire est accepté, ce qui est quand même le comble pour les néophytes kabyles qui bombent le torse contre un autre Kabyle qui, avec parfois un propos qui peut dépasser la pensée, mais qui, dans le cas d’espèce, n’a rien dit qui ne soit déjà fait auparavant et qui soit étranger à la sociologie kabyle, tente de suggérer le droit légitime et imprescriptible de se protéger d’une violence raciste évidente, séculaire, quasi invariable et multidimensionnelle.
Dès lors, je suis plus que perplexe, voire sidéré, devant une telle débauche d’énergie pour tenter de jeter l’opprobre sur un homme et un projet politique qui, que l’on soit d’accord ou pas, restent une réalité qui surpasse le cadre virtuel qui, souvent, donne la grosse tête à d’aucuns, notamment à ceux qui, dans la vie réelle, souffrent d’un mal de reconnaissance aigu, ou qui vivent très mal leur aura d’antan perdue jamais. Une telle posture d’arrière garde, n’a rien à voir avec le fait d’exprimer un désaccord idéologique ou politique, ce qui est non seulement respectable mais souhaitable. Or, nous sommes devant une soudaine éruption éjectant une condensation dont la toxicité excessive dénote, si besoin est, d’une velléité de nuisance quasi pathologique, en tout cas insalubre, contestable et celant mal ses desseins profonds. C’est d’autant plus affligeant que cela contraste étrangement avec un silence de cathédrale quand il est question de se montrer aussi vaillant et engagé en ciblant nommément les dignitaires du régime et les gourous de l’islamisme rampant qui, telles les deux mâchoires d’une tenaille sanguinolente, trépignent quotidiennement la dignité et les droits les plus élémentaires et, chaque jour que le soleil fait, constituent la Menace suprême grandissante pour la paix et pour la vie. Enfin, ce qui laisse interloqué chez ces « gens-là », c’est surtout le fait qu’au-delà des approximations et de l’indigence du propos, on ne se rend même pas compte du ridicule dont on se couvre en croyant démontrer une excellence qui se décline au mieux, comme une indécente offre de service, au pire, comme une tempête dans son propre verre d’eau. Sans plus.
Allas DI TLELLI
10/06/2018
A une honnête personne qui dit être sincèrement choquée par l’appel à constituer « une force de contrainte » en Kabylie dont les contours, la forme et les prérogatives n’ont pourtant jamais été précisés pour justifier cette mêlée pour la potence, j’ai cru opportun de soulever le cas de la Catalogne où les indépendantistes constituent la principale force politique, détenant le parlement régional et le gouvernement, et où, depuis le 14 juillet 1983, il existe bien une police 100% catalane (Policia de la Generalitat de Catalunya-Mossos d’Esquadra). Pour autant, il n’y a jamais eu le moindre soupçon d’une violence, ni d’accusation, à leur encontre, de vouloir créer un conflit armée avec l’Espagne.
– La personne, plus outrée encore, me lança : << Arrête de comparer l’Algérie à l’Espagne ! >>.
– Je lui ai alors dit : << Le problème n’est donc pas dans cette « force de contrainte », mais bien dans « l’Algérie ». >>.