Nous pouvons dire de notre langue tamaziγt qu’elle a la chance historique d’avoir échappé à la sclérose d’une camisole de force d’un système d’écriture imposé et irréformable.
Au cours des siècles, les Arabo-musulmans qui ont déferlé sur l’Afrique du Nord n’ont eu qu’une idée forcenée en tête : éradiquer toute langue et toute civilisation autochtones des territoires conquis. En minorant tamaziγt dans le but de la laisser mourir à petit feu, leur haine a servi paradoxalement à la faire survivre, même marginalement mais surtout à ne pas l’engoncer dans leur système d’écriture archaïque comme c’est arrivé pour la langue ottomane.
Aujourd’hui que tamaziγt et notamment taqvaylit s’est construit une transcription harmonieuse dans un système d’écriture gréco-latine depuis plus d’un siècle, ses ennemis islamistes de toujours reviennent à la charge pour suggérer avec leur consubstantielle hypocrisie, voire pour imposer par la force, les caractères arabes.
Notre langue est la cible des arabo-islamistes depuis toujours.
Cette haine endémique a même poussé un saoudien du nom de Walid Ibn Talal, petit-fils du roi Abdelaziz Ibn Saoud à proposer 500 Millions de dollars américains cash à la firme Microsoft pour la faire renoncer à intégrer tamaziγt dans son système. Face à cette attaque qui touche un domaine de souveraineté, aucun membre de la Présidence algérienne, ni du gouvernement algérien et ni même aucun intellectuel algérien n’a réagi à cette perfidie. Mais tout naturellement, Microsoft Corporation, dans le respect cardinal de sa charte d’étique, a laissé le bédouin mariner dans sa haine et son racisme.
Et tout récemment, en janvier 2019, le ministre algérien de la religion annonce fièrement que « 100 000 exemplaires du coran en tamaziγt édités en Arabie saoudite seront distribués en Kabylie ». Ce cadeau empoisonné, dernière provocation perpétrée le jour de Yennayer a fini de convaincre les derniers sceptiques que dans l’objectif de sapement des fondements identitaires de la Kabylie, les musulmans du monde entier font cause commune, le régime algérien applaudit, les islamistes rient sous cape en attendant le signal de départ du blitz ravageur qui doit soumettre définitivement la Kabylie.
Ces deux exemples suffisent à eux seuls pour montrer que les Arabes d’ici, vassaux éternels de ceux du Moyen-Orient tenteront tout pour stopper l’émergence d’une Kabylie laïque, libre et fraternelle.
Las ! Les attaques de ces haineux ont contribué à raffermir la détermination des militants amazighs et fouetté l’esprit créatif des usagers, des pratiquants de la langue et des chercheurs dans le domaine.
L’alphabet gréco-latin mis au point laborieusement par nos aînés, autochtones et étrangers, depuis plus d’un siècle aujourd’hui est parfaitement adapté à notre langue.
Même s’il est malvenu en ce moment de parler de Turquie dont le pouvoir accable la nation kurde comme il en fut pour les Arméniens durant la Iè Guerre mondiale, force est de rappeler qu’en matière d’aspiration à la modernité, le pouvoir d’alors n’a pas fait de détails lorsqu’il a décidé la double abolition de l’arabe pour transcrire la langue ottomane et le califat islamique pour débourber la société.
Cette entreprise extrême qui a conduit un pays héritier d’un empire qui a dominé durant des siècles tout le pourtour méditerranéen à changer radicalement la graphie de la langue est loin d’être anodin. Elle repose sur plusieurs causes scientifiques dont il serait ici fastidieux de les énumérer toutes ; mais aussi sur des causes psychologiques.
Parmi d’autres, citons :
« Notre écriture était l’esclave de la phonétique arabe, parce que nous utilisions des lettres correspondant à des sons que notre oreille ne percevait pas, que notre langue ne pouvait pas prononcer. Le seul moyen pour nous d’échapper à cette servitude était d’écrire tous les mots qui composent notre langue avec les lettres qui correspondent à nos sons nationaux »
« Nous étions sur le point d’entrer dans le monde de l’écriture occidentale et nous allions profiter de toutes ses facilités. Le plus important était d’extirper jusqu’à la racine les influences arabes des cerveaux turcs et d’y implanter l’esprit national » in Birol Caymaz et Emmanuel Szurek dans « european journal of turkish studies – ejts » 2007
– Les Turcs ont dénoncé « le caprice de la ligature » – comprendre le lien qui unit les lettres arabes les unes aux autres.
– Les Amaziγs comparent l’écriture arabe à « tizikert », le nœud.
La ressemblance entre les deux n’est pas coïncidence.
En tout état de cause, aujourd’hui, notre langue est prise à bras le corps par ses enfants dont la détermination se renforce chaque jour et se raffermit à chaque attaque de ses ennemis auxquels nous disons d’ores et déjà que leur douteuse cause est perdue d’avance.
Azru Lukad